« Mohamed Bakar nous a envoyé un article sur le FD que nous publions intégralement. Nous lui adressons nos vifs remerciements pour cette riche contribution «
Il y a 36 ans et plus précisément le jeudi 14 mars 1985, la population comorienne apprend par les ondes de » Radio Comores » une surprenante nouvelle leur annonçant qu’une tentative de coup d’état au centre de laquelle se trouve impliqué » le Front démocratique » venait d’être déjouée par les forces de la sécurité comorienne.
Un communiqué laconique lu par le ministre Bazi Selim assurant l’intérim du chef de l’Etat en voyage privé à Paris précisait que des soldats de la Garde présidentielle (GP) manipulés par des civils venaient d’être arrêtés.
Mais l’évènement le plus spectaculaire demeure incontestablement l’arrestation le lundi 11 mars 1985 de Moustoifa Said Cheikh, premier secrétaire du Front démocratique et principal leader du mouvement révolutionnaire comorien.
L’arrestation de cette figure emblématique de l’opposition révolutionnaire corroborait la version avancée par le gouvernement. Le Front démocratique serait « l’instigateur de la tentative de déstabilisation des institutions de la République fédérale islamique des Comores».
Le vendredi 15 mars 1985, le secrétaire du parti gouvernemental (UCP) Abderemane Mohamed accusa Moustoifa Said Cheikh et le FD d’être les auteurs du coup d’état manqué. Il a pris le contre-pied du commentaire du président Ahmed Abdallah qui dans sa faconde habituelle a parlé de « tentative de mal faire de la part d’éléments de la Garde présidentielle (GP) et de civils drogués » dans une interview accordée à Radio France Internationale.
De retour à Moroni le 19 mars 1985, le Rais certainement « briefé » et influencé par les mercenaires a changé de braquet. Dans une allocution au ton martial radiodiffusée le 21 mars 1985, il déclara à la nation qu’il détenait des documents et des témoignages accablants et irréfutables prouvant l’implication de Moustoifa et de son parti dans le complot du 8 mars 1985.
A la surprise générale, le président Ahmed Abdallah Abderemane révéla de surcroît dans ce discours l’existence d’une organisation communiste clandestine dénommée Mouvement des Communistes Marxiste- Léniniste des Comores (MCMLC) inconnue jusque- là dans le landerneau politique comorien.
Ce mouvement aurait pour objectifs selon les sources citées par le Rais de « renverser le pouvoir, liquider physiquement certaines personnalités politiques et instaurer un régime communiste dont le gouvernement serait essentiellement composé des dirigeants du Front Démocratique ».
Devant cette tentative de déstabilisation intérieure, Ahmed Abdallah déjà confronté à des dissensions internes (le conflit non déguisé opposant Taki et Mroudjaé) et intrigué par la rocambolesque aventure du soldat Anwar alias Rambo de la garde présidentielle saisit l’opportunité pour se débarrasser de l’aile radicale de son opposition.
Il ordonna aux mercenaires qui encadraient sa garde personnelle sous l’oeil vigilant de Bob Denard de rétablir l’ordre et la sécurité.
Aussi une centaine d’arrestations de militants et de sympathisants du F.D fut opérée brutalement dans l’ensemble des îles. Elle fut accompagnée d’une vaste campagne anti-communiste orchestrée par le Mufti de la République Said Mohamed Said Abderemane et Youssouf Abdoulhalik. Les « idéologues » du régime des Fédharilés comme le nommait la feuille de propagande révolutionnaire « la voix du peuple ou Swauti ya Umati ».
Il s’agit là du premier cortège de mesures répressives arrêtées par le président Abdallah et Bob Denard pour liquider définitivement le F.D.
Au centre des interrogations que soulevaient les observateurs attentifs de la vie politique locale et l’opinion publique à l’époque et aujourd’hui encore figure cette question centrale: la tentative du 8 mars 1985 marquait t- elle l’échec de la stratégie révolutionnaire de la conquête du pouvoir par le mouvement révolutionnaire comorien? Ou plutôt une machination politique manigancée par le pouvoir pour réprimer et étouffer l’opposition révolutionnaire comme le clamaient le FD, ses militants et les défenseurs des droits de l’homme?
Dans une déclaration rendue publique le 13 mars 1985 citée Par ASEC-INFOS n°5 du 27 même mois, le bureau exécutif du Front démocratique des Comores évoque pour la première fois cet évènement. Le parti de Moustoifa parle de « prétendu coup d’état manqué » et d’une machination sordide d’Ahmed Abdallah et de ses mercenaires ».
Depuis 36 ans, on attend des anciens dirigeants et hauts responsables du Front démocratique et de toutes les composantes du mouvement révolutionnaire comorien des clarifications sur le mystère et l’opacité qui entourent cette « affaire du 8 mars » dont les conséquences politiques et idéologiques ont vivement marqué la génération Mao, autrement connue sous l’appellation de « Msomo Wanyumeni ».
En opposant un non catégorique aux militants et sympathisants qui exigeaient à l’époque l’amorce d’un bilan et l’analyse approfondie des origines et des conséquences des événements de mars 1985, le FD a perdu toute sa crédibilité. Il assista passivement à la décomposition et à la désagrégation de ses forces militantes et à la mort lente de l’idéologie et des idéaux qu’il défendait.
S’agit- il tout simplement d’un reniement du militantisme révolutionnaire dont les conséquences se sont avérées douloureuses pour beaucoup d’entre eux qui ont enduré les privations de liberté et subi les tortures inhumaines dans les geôles de la république des affreux et des notables?
Difficile de répondre à ces interrogations en raison de la chape de plomb qui pèse sur ladite affaire. Le silence et l’absence de débats à l’intérieur de la nébuleuse mouvance révolutionnaire au lendemain de ces évènements n’a pas favorisé l’éclosion de la vérité
Dans « Fragments d’expérience, parcours d’un révolutionnaire comorien » paru en 2014 Idriss Mohamed, haut dirigeant de ce mouvement esquisse les premiers éléments d’analyse et tente de réponse à ces questionnements.
Dans un chapitre consacré à ces évènements, il affirme d’entrée « 1985 : l’échec ». Mais il l’impute entre autres à la trahison de Nafioun Zarcache qui aurait livré ses camarades à l’ennemi.
La thèse la plus répandue est celle de « soldats de 2ème classe de la GP qui auraient contacté Moustoifa pour lui faire part de leur intention de se débarrasser des mercenaires. Moustoifa leur aurait dissuadé d’agir et d’abandonner cette aventure sans lendemain.
Pour le FD , l’histoire s’est arrêtée là. Le parti révolutionnaire a toujours combattu les coups- d’état. C’est la position officielle du parti et du mouvement révolutionnaire à l’époque. Elle est reprise par l’agit-prop de l’OCDM (la représentation extérieure du FD et l’ASEC dans la campagne offensive de mobilisation de l’opinion nationale et française contre la répression des mercenaires.
Le parti et les principaux acteurs impliqués dans cet évènement s’en tiennent à cette ligne de conduite. Le mérite d’Idriss est d’avoir osé approfondir l’analyse et mettre en exergue les failles et les faiblesses de cette organisation hyper centralisé.
Pendant que ses compagnons de lutte se retranchent dans le mutisme et s’imposent l’omerta. Ils ont définitivement tourné la page et effacé d’un revers de main leur passé révolutionnaire pour ne plus assumer collectivement et individuellement leurs responsabilités.
Le Front démocratique crée lors des législatives de mars 1982, vitrine semi-légale du mouvement communiste dans la première moitié de la décennie 1980 semble ignorer aujourd’hui que l’absence de clarification sur « l’affaire du 8 mars » a nourri le doute et le discrédit de l’opinion à l’égard de ses dirigeants.
Aujourd’hui, ce parti qui incarnait l’espoir et le changement en rassemblant la quasi- totalité des intellectuels et des cadres de la décennie 1980 a perdu ses troupes. Il est devenu un parti marginal que seul feu Abdou Mhoumadi croyait à tort avoir rempli sa mission historique en appelant à sa dissolution dans un point de vue qu’il avait publié dans le quotidien Albalad.
Une thèse fort discutable quand on connait le programme présenté aux comoriens par le FD, courroie de transmission du mouvement révolutionnaire comorien. Il s’articulait autour des points suivants :
– renverser le pouvoir de la grande bourgeoisie et de l’impérialisme, mettre à bas toutes ses institutions et bâtir à la place, un régime d’unité nationale et de progrès, la Démocratie nouvelle, traduite littéralement par Démocrasy Mpiya.
– Construire un Etat démocratique et populaire qui incarnera les intérêts de toutes les classes populaires et de progrès, promouvant l’unité nationale avec le retour de Mayotte dans l’ensemble comorien, laique et prônant la séparation de l’Etat et de la religion.
– Dissoudre les institutions fédérales et instaurer une administration centralisée, unique et efficace ;
Figuraient en bonne place dans les propositions du Front démocratique la réforme agraire, les nationalisations des propriétés féodales, des sociétés coloniales et des mercenaires. La terre devrait être distribuée à ceux qui la travaillent ».
Ce projet de société clairement affiché n’a pas été réalisé ni repris aujourd’hui par aucun parti. Et pour cause. Il est jeté aux orties compte tenu des mutations intervenues dans le monde depuis la chute du mur de Berlin en 1989.
Force est de reconnaître que l’effondrement politico – idéologique du F.D est l’œuvre du président Ahmed Abdallah et des mercenaires. Elle constitue l’une des plus grandes victoires politiques enregistrées par ce dernier en quarante ans de vie publique.
La déroute de ce parti, le plus important et mieux structuré des organisations politiques comoriennes se réclamant de Marx, Engels, Lénine, Staline et de la pensée du grand timonier Mao Tse Toung mérite l’attention particulière des historiens et la reconnaissance du peuple comorien pour les combats qu’il a menés contre le mercenariat et pour les libertés démocratiques de 1978 à 1985.
En soulevant ce débat sur la place publique, j’attends des militants et des intellectuels qui gravitaient autour de cette mouvance à sortir de leur silence complice et complaisante et les invite à s’exprimer sur la défaite du mouvement révolutionnaire et de l’idéologie marxiste – léniniste véhiculée dans l’intelligentsia comorienne des années 1970 et 1980.
C’est l’œuvre de la communauté des historiens. Mais la renaissance d’un mouvement patriotique et progressiste ne saurait se réaliser sans passer par cette étape indispensable et fort utile.
MOHAMED Bakari
Le 7 mars 2021
POUR RECEVOIR NOS NOTIFICATIONS
Cette publication a un commentaire
Faire la politique en Afrique « francophone « il faut être toujours en position de pouvoir déjouer les coups tordus de la france-afrique
Aux années (80),l’ennemis No1 de la france-afrique au comores sans doute c’était le FD. Une des missions du président abdallah et ses sbires est l’élimination pure et simple du FD :chose faite. Depuis les évènements de mars 85 le FD traversait un processus vers sa chute vertigineuse.
À la fin des années 90 l’ennemis à abattre pointé du doigt par la France -afrique au c’était sans doute le forum composé de (FD,MDR, PCDP ).Le coupeur de désigné par France -afrique pour la mission c’est le colonel AZALI. Chose faite avec mention excellent. Depuis là le FD a disparu dans les radars.
Rebondir à nouveau chose faisable et possible, il faut toujours admettre que la France -afrique et encore présent d’une façon ou d’une autre.
Apprendre à déjouer les coups tordus manoeuvré par l’ennemis.
ENSEMBLE NOUS VAINCRONS.