12 novembre 2021, célébration en fanfare de la journée nationale Maore au Palais du Peuple avec une forte présence du gouvernement avec une intervention remarquée de son porte parole. Quand le gouvernement comorien monte ainsi,subitement, sur les créneaux,cela ne peut qu’interroger ! On doit donc faire intervenir l’histoire pour comprendre le présent et se projeter dans l’avenir.
Les grandes dates du parcours de la France
1976 – 1995. La France se bat pour exclure la « question de l’île comorienne de Mayotte » de l’ordre du jour des Assemblées Générales de l’ONU afin d’éviter les condamnations qui pleuvent sur lui et qui l’empêche d’avancer dans sa stratégie d’annexion de Maore.
Objectif obtenu après le dernier putsch de Denard en 1995. Papa Djo renversé, un gouvernement de transition est composé avec Caambi El Yachourty à sa tête. La « question de l’île comorienne de Mayotte » n’est pas examinée pour, dit-on, impréparation des Comores. L’année suivante, elle est reportée à l’ordre du jour (OJ) provisoire par le pouvoir Taki. Mzimba son ministre des affaires étrangères de l’époque s’en glorifie chaque fois qu’il le peut ! La question y végète depuis et ne sort plus du provisoire. Et pour cause la France pèse dans la commission fixant l’OJ tandis que les Comores abandonnent le terrain
Abdou Soefo, ministre des affaires étrangères de Azali I, avait créé un scandale avec sa lettre à la représentation des Comores à L’ONU, demandant que la question soit retirée définitivement de l’OJ. En vain heureusement car il fallait semble-t-il la validation de l’Organisation continentale l’Union Africaine.
1995 – 2005. Le nouvel objectif de la France fut alors de briser l’encerclement de Maore dans la Région. Maore n’existait pas en dehors de la France. Un isolement intenable de la population de Maore et un obstacle de taille contre la stratégie française. La tactique française fut alors la participation de Maore aux Jeux Internationaux de l’Océan Indien (JIOI), le symbole frustrant cruellement la jeunesse de Maore. Ahmed Abdallah, Papa Djo, Taki s’y refusèrent fermement.
Objectif obtenu en 2005. Azali I céda à Chirac. Il ne fallait pas « politiser » les JIOI, il ne fallait pas punir les jeunes maorais, il fallait faire un geste d’ouverture envers nos frères et sœurs, etc. La France est trop forte pour nous, elle peut nous isoler, nous faire exclure des jeux, etc. Malgré les réticences du monde sportif du pays, Maore participa aux JIOI en tant qu’entité indépendante avec des limitations de pure forme (hymne et drapeau des JIOI et non de la France).
2005 – 2019. La voie est ouverte. La France fit intégrer Maore dans les institutions de la Commission de l’Océan Indien en tant que partie distincte ; organisa tranquillement la départementalisation de Maore, son « 101° département » nous dit-on. Une prouesse diplomatique puisque l’ONU ignore ce fait et ne l’a pas condamné, elle n’a jamais été saisie, Sambi était occupée à modifier la constitution comorienne pour se donner un an de règne en plus, Sambi n’a même pas protesté formellement auprès de l’ONU et de son Conseil de Sécurité.
Depuis 2019. La France vise maintenant la reconnaissance internationale de son annexion de Maore. Et c’est en bonne voie. Car de plus en plus de pays ignorent la« question de l’île comorienne de Mayotte » puisqu’elle n’est plus débattue dans les AG de l’ONU. Les discours des Chefs d’État comoriens successifs accordent de moins en moins de place à Maore, abordent la question uniquement sur un plan formel alors qu’ils chantent l’amitié éternel entre les Comores et la France, premier partenaire, etc, etc. De son coté la France mène une propagande systématique et à grande échelle pour présenter des Comores de trois îles sans riposte, pire des documents officiels comoriens tombent dans le piège.
La capitulation vire à la trahison d’Azali
C’est dans ce contexte historique qu’il faut placer le nouveau « credo » du pouvoir Azali et mieux mesurer qu’avec Azali II et III, la capitulation comorienne prend un nouveau tour.
Rappelons encore qu’en 2005 Azali I, en cédant à Chirac, a inversé la situation. La France et les siens étaient jusque là à la défensive. Il leur a permis de passer à l’offensive. La France pouvait dès lors, prendre des initiatives qui ont peu à peu abouti à la départementalisation de l’île comorienne. Un processus qui a emporté Sambi et Ikililou dont il faut souligner la mollesse, l’esprit capitulard.
De retour au pouvoir, Azali II pousse encore le bouchon, donnant l’impression d’un nouveau tournant. On s’aperçoit en effet que la France se trouve en position de pouvoir impliquer les forces comoriennes dans sa lutte contre l’immigration clandestine vers Maore ! Voir les derniers accords de partenariat signé en 2019 (http://www.infomie.net/IMG/pdf/document-cadre-partenariat-renouvel_-comores-alternat-fr-signe.pdf ).
La France vient d’annoncer, par la voix de Mansour Kamardine, à l’Assemblée Nationale française sa phase finale : désormais l’objectif est la reconnaissance internationale du 101° département français.
On attendait la réaction des Comores, en fait du président Azali. Elle est rendue publique le 12 novembre 2021, le porte parole du gouvernement (Alwatwan du 15/11/2021), affirme la main sur le cœur que « la seule solution … c’est le dialogue à trois : la partie indépendante, Maore et la France ». Une capitulation qui s’apparente à de la trahison.
Car le pouvoir ne dit rien sur le « dialogue à trois » du temps de Papa Djo. Un bilan s’imposait si l’on était sérieux et animé par la volonté de riposter à la provocation française ! Les plus vieux se rappelle de la « formule » sibylline de Mitterrand en visite aux Comores. Je cite de mémoire : « il y a plusieurs formes d’unité entre vous et eux et entre eux et vous » ! la suite fut l’imposition du sinistre et criminogène visa Balladur.
Pire encore, on avance des contrevérités flagrantes, lourdes de signification. La question de Maore serait « idéologique, un conflit du à des mécontentements (car) ce n’est pas un conflit armé » (toujours Alwatwan du 15/11/2021). On met de coté cette logique particulière sur les types de conflit. Car l’essentiel réside dans la prestidigitation visant à maquiller le fait que la « question de l’île comorienne de Mayotte » porte sur une décolonisation inachevée. Pourquoi le gouvernement Azali veut-il masquer cette dimension anti coloniale ?
On nous a toujours raconté que l’ONU ne nous apportera rien, que les résolutions et les discours à l’ONU ne servent à rien ? Des contre vérités qui ont l’apparence du pragmatisme mais que l’on avance pour justifier la capitulation. D’autant qu’aucune autre alternative n’est dessinée ? Il est évident que le retrait de la « question de l’île comorienne de Mayotte », l’absence de condamnation de la politique française aux Comores servent la France et non les Comores. On comprend que la France s’en réjouisse. Pensez-donc l’ambassadrice de France aux Comores félicitant les autorités comoriennes de ne plus soulever la question de Mayotte à l’ONU !?
Aujourd’hui, on s’en prend sur la même lancée, au slogan « Mayotte est comorienne et le restera toujours ». La résistance de notre peuple ne doit absolument pas transparaître. On doit ménager la France.
Ce qui rend les choses encore plus limpides, c’est cet « oubli du dialogue bilatéral » prôné par Azali. Que nous ont apporté les différentes structures comoro françaises, le Groupe de Travail de Haut Niveau, le Haut Conseil Paritaire, etc ? Des Maorais y ont participé aussi sans que cela change en quoi que ce soit. La France n’est disposé qu’à des échanges sur le voisinage, la coopération régionale, etc.
Dans un dialogue à deux ou trois, le poids de la France face à nos minuscules îles est écrasante. D’autant que la France affiche clairement ses couleurs : Maore est partie intégrante de son État. C’est son 101° département et elle ne permet à personne de s’ingérer dans ses affaires intérieures.
D’ailleurs dans sa préconisation d’un dialogue à trois, le gouvernement n’explique pas comment il va amener la France et les Mansour Kamardine à discuter de l’appartenance de Maore aux Comores ? Ce ne sont pas des salamalec qui vont emporter la décision. Il n’y a que le rapport de force qui compte.
Quelles perspectives ?
Les tendances pessimistes sont fortes et on les comprend. Tant que les gouvernements comoriens se prosterneront devant les autorités françaises, rien ne bougera dans un sens favorable aux Comores.
Malheureusement les Chefs d’État comoriens sont convaincus que pour accéder au pouvoir et pour y rester, ils doivent avoir les faveurs de la France. Pouvoir et Opposition se disputent les gages de soumission à la France.
Mais aujourd’hui la situation devient cardinale. La reconnaissance internationale de l’annexion de Maore par la France sans une véritable levée de bouclier du pouvoir en place, c’est de la trahison assumée.
Il y a quelques années, le Comité Maore avait soumis des propositions qui doivent être rappelées :
1) Tant que la France ne sera pas le dos au mur, il n’y a aucune raison pour qu’elle bouge de sa position. Il faut donc l’acculer :
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Ne plus traiter la France comme un ami tant que la question de Maore n’aura pas trouvé d’issue.
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Riposter de façon systématique à toute la propagande internationale française sur Maore.
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Engager une bataille humanitaire pour la suppression immédiate et sans condition du visa Balladur. Rallier les pays à ce combat.
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Refuser d’accueillir les Comoriens expulsés de Maore
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Poursuivre Balladur et l’État français devant la Cour Pénale Internationale pour crime contre l’Humanité
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Reconquérir la solidarité internationale. Il faut un livre blanc sur Maore à diffuser pour informer les pays, pour appuyer la revendication du retour de la « question de l’île comorienne de Mayotte » à l’OJ des AG de l’ONU.
2) Tant que la revendication de l’unité à Mayotte, sera faible, la bataille nationale et internationale sera handicapée. C’est pour cela qu’il faut :
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Développer les relations diverses entre les populations économiques, culturelles, sportives, etc.
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Rassurer les Maorais sur notre démarche. Nous ne voulons pas les intégrer dans la misère ambiante qui pèse sur le pays. Non. Nous proposons un processus de réunification. Nous avons besoin d’une période transitoire pour rattraper le niveau de vie de Maore et assurer les retrouvailles dans un État démocratique, respectant les libertés individuelles et œuvrant pour le développement pour des meilleures conditions d’existence. Nous ne voulons pas les tirer vers le bas, au contraire.
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Soutenir les patriotes qui à Maore, malgré l’hostilité ambiante et la répression française continuent à se battre pour parachever l’indépendance du pays et préserver l’unité de nos quatre îles.
Malgré le pessimisme qui pèse, il est absolument évident que, quelles que soient les circonstances, le statut juridique de Maore au sein de la France, il se trouvera toujours des Comoriens pour s’insurger contre l’annexion de Maore par la France.
Idriss (21/11/2021)