Présidentielles françaises : la dérive

Les dés sont jetés : la France sera gouvernée par Macron ou Lepen ! « Des deux côtés mon mal est infini ». L’élimination de Mélenchon provoque une grosse déception populaire.

Faire barrage à Lepen ne prend plus aussi largement que par le passé. Le taux d’abstention des électeurs de Mélenchon pèsera lourd ; certains avancent même l’idée saugrenue d’un barrage à Macron ! on peut alors envisager sérieusement une victoire de l’extrême droite.

A mon avis on doit faire preuve de hauteur de vue, s’interroger sur les destinées de la France après les présidentielles ; poser la question de la situation des immigrés et envisager la question africaine, avec une priorité pour nous : Mayotte.

S’agissant de la situation en France, force est de constater que ce pays dérive vers l’enfer depuis le triomphe de Mitterrand. La Gauche s’est peu à peu discréditée tandis que l’extrême droite montait. Au début des années 1980, le PCF pesait plus de 20%, 10 fois moins aujourd’hui. Le FN moins de 2% plus de 10 fois aujourd’hui. Peut-on aujourd’hui identifier un camp révolutionnaire en France ? Les résidus du trotskisme sont marginalisés, apparaissent comme des extraterrestres. La France Insoumise portée aux nues par certains comme le continuateur de la gauche semble loin du compte. Son idéologie porte le sceau du libéralisme. Sa victoire aurait certainement amélioré les choses mais n’aurait rien bouleversé, sa sixième république serait marquée par l’héritage de la cinquième.

Lorsqu’on se place du point de vue du peuple français, la perspective ne se trouve pas dans des manœuvres électorales dilatoires durant les législatives. Une reconstruction s’impose ! Un chemin sinueux ardu à emprunter et dont on ne perçoit pas un début de commencement !

Est-ce que la déroute électorale ouvrira des voies aux forces démocratiques françaises ? On peut toujours l’espérer !

Certains pensent que la victoire de Lepen accusera plus clairement les contradictions, ce qui provoquerait une prise de conscience ! La politique du pire pour rebondir ! hasardeux pour le moins.

La situation des immigrés en France est limite, elle s’aggravera incontestablement. L’extrême droite cible même les « français de papier ». Pour avoir les coudées franches, Lepen promet de changer la Constitution par voie référendaire, se doter des lois qui lui permettront de sévir contre les immigrés, l’islamisme, etc.

Pour certains ce serait un mal pour un bien, « à quelque chose malheur est bon ». Lepen au pouvoir, les immigrés rentreront en masse chez eux. On en vient même à croire qu’ils feront la révolution et que nos pays sortiront du système néocolonial français. Du flou artistique vers un danger mal évalué

Quid de l’Afrique. Elle fut quasiment absente de la campagne présidentielle française. La politique françAfricaine de la France changera peu. On connait Macron avec ses outrances (« les kwasa ramènent du Comorien et non des poissons »), son arrogance (convocation des chefs d’Etat africains ravalés au rang de sous-préfets français), son pseudo sommet de Montpellier, ses ingérences grossières en Afrique, son instrumentalisation de la CEDEAO et de l’UEMOA, etc..

Lepen fera guère pire. Les intérêts français sur ceux des pays africains primeront toujours comme cela a toujours été le cas quel que soit le pouvoir en France. On peut cependant redouter une agressivité croissante dans la relation françAfricaine. Lepen a avancé un programme hyper offensif à Mayotte contre les Comoriens et l’Union des Comores.

Certains croient que Lepen présidente conduira à des retours massifs des Africains dans leur pays, ce qui ferait bouger les choses. On pense même à des résistances des pouvoirs fantoches africains qui se révolteraient face aux méfaits de Lepen, ignorant la capacité de ces hommes de paille à avaler toutes les couleuvres françaises.

Au total aucune perspective à l’horizon. Tout au plus éviter le pire en optant sans illusion pour Macron.

Idriss (14/04/2022)

Cet article a 4 commentaires

  1. Merci à Abdamed pour son riche commentaire. Il appelle néanmoins nos observations :
    1- L’affirmation selon laquelle Lepen « aurait des solutions pour redresser la France » ne nous semble pas convaincante. Déjà quel contenu donne-t-on à « redresser » la France ? Comment cela se traduit-il dans son programme ? Le principal problème du Monde et de la France réside dans dans la « recherche du profit maximum » porté par l’ultra libéralisme. Lepen ne s’oppose pas au capitalisme financier qui ravage le monde, concentre la richesse à un pôle générant une pauvreté massive d’un autre genre (« travailleurs pauvres »), détruit l’environnement et dégrade les conditions de vie des gens. Son nationalisme amène à penser qu’il voudrait renouer avec un capitalisme national dépassé depuis bien longtemps.
    2- « La brutalité fera prendre conscience ». L’expérience ne permet pas de le penser. Macron brutalise à souhait les Chefs d’Etat africains et ces derniers rampent. Il convoque des Chefs d’Etat comme s’il s’agissait de préfet français. Il organise un sommet Afrique France sans Chef d’Etat et sans aucune concertation avec ces derniers. Il formule publiquement ses directives à la CEDEAO et à l’UEMOA, pour réprimer le Mali. Jusqu’ici ces humiliations n’ont suscité la moindre prestation. Au contraire, on rampe. Prenons le cas de notre pays. L’Etat comorien instaure l’obligation de détenir des papiers pour voyager entre les îles. La France s’y oppose, sanctionne les Comoriens sans aucun ménagement. Le pouvoir a donc accepté de ramper, de négocier avec un simple ambassadeur et de revenir sur sa disposition élémentaire !
    On peut donc s’interroger sur la « brutalité » qui réveillerait les futurs dirigeants (en excluant donc ceux en place et dont on n’ignore quand ils seront remplacés) si celle que nous vivons ne suffit pas
    1- « Raisonner du point de vue des peuples ». La question est alors d’identifier les meilleures conditions de lutte des peuples. L’expérience de notre pays est limpide. Sous Ali Soilihi, sous une dictature dure, nous n’avons pas pu rentrer au pays mener le combat, par contre sous la dictature relativement molle d’Ahmed Abdallah, malgré la présence des mercenaires, nous sommes rentrés. Le niveau de conscience a cru, nous avons pu créer une organisation combattive. Aujourd’hui avec le raidissement du pouvoir Azali, les choses se corsent. Les « mabedja » l’ont illustré. L’expérience de nombreux pays qui ont connu des vrais dictatures montrent combien il est difficile de lutter, la facilité d’identifier l’ennemi ne suffit pas à générer une conscience et la brutalité n’incite pas à combattre mais bien plus à se préserver.
    Encore une fois merci de permettre que les échanges s’approfondissent

    1. Abdamed

      J’ai déjà dit quelque part que quand on est franco-africain, on est forcément un peu schizo. Car il faut faire des choix en tant que Français et/ou en tant qu’Africain, dans des situations où, souvent, les intérêts sont divergents.
      1- Que Lepen n’arrive pas à redresser la France, à la limite je m’en contrefiche (langage pas politiquement correct, mais bon !). Mieux, d’un point de vue de militant africain, je préférerais qu’elle fasse pire que ses prédécesseurs. Elle serait alors hors-circuit, par la suite. En me mettant dans la peau d’un Français de gauche, je peux espérer que l’échec du 1er mandat de Macron suivi de l’échec de Lepen, peut préfigurer l’avènement d’un pouvoir de gauche. Un 2e mandat de Macron ne sera pas fondamentalement différent du premier, mais il fera toujours illusion. Si en plus on est certain que Lepen échouera, c’est une raison supplémentaire, en tant que Français de gauche et/ou militant panafricain, pour tactiquement miser sur elle. Je peux me tromper mais c’est mon analyse.
      2- « Macron brutalise à souhait les Chefs d’Etat africains et ces derniers rampent ». Certes, mais il ne s’agit pas ici que de chefs d’états, Elle va brutaliser aussi et surtout les Africains de la diaspora et par conséquent ceux restés dans nos pays. Ce qui va raviver le feu qui couve au sein des jeunesses africaines et même d’une certaine catégorie de nouveaux dirigeants.
      Il y a quelques jours le nouveau président guinéen a convoqué les entreprises étrangères exploitant les ressources minières de son pays et leur a tenu un discours clair et précis : il faut créer les conditions pour transformer les minerais en Gunée et le partage des bénéfices doit être équitable, conditions non négociables.
      ça fait plaisir à entendre, pourvu qu’il ne soit pas assassiné prochainement !

  2. Abdamed

    – Du point de vue du peuple français :
    Mme Lepen est française est une française qui propose ses solution pour redresser la France. Si elle y arrive, tant mieux pour les Français. Si elle échoue, elle sera rangée avec ses prédécesseurs, qui n’ont pas fait mieux, ou jetée au rebut.
    – Du point de vue des peuples africains :
    Elle défendra, bien sûr, comme ses prédécesseurs, les intérêts de son pays, mais la brutalité de sa politique fera prendre conscience, au moins aux futurs dirigeants africains, de l’urgente nécessité de s’affranchir de la tutelle française. Bien sûr qu’il y aura un prix à payer par les Africains ! Mais ici il faut raisonner en terme de peuples et de pays et non d’individus.

    En 2010, un jeune Tunisien de 26 ans, par désespoir et révolte, s’immole par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid. Pour lui et sa famille c’est incontestablement une perte immense. Mais son geste, son sacrifice a déclenché le printemps arabe et fait trembler plus d’une dictature. La vie est parfois cynique, mais son sacrifice n’était pas inutile.
    Que quelques migrants africains soient malmenés et/ou renvoyés chez eux, si c’est le prix à payer pour le réveil de l’Afrique ! En réalité tous les présidents français font ça, mais en douceur. Mme Lepen aura juste innové par la brutalité.

    1. Merci encore pour ces éclaircissements. Il est heureux que les « nouveaux dirigeants » guinéens et maliens n’aient pas attendu l’arrivée de Lepen au pouvoir pour s’insurger contre le pillage français de leurs ressources minières et mettre en œuvre une politique de défense des intérêts de leur pays respectif.

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