La fonction publique de notre pays est désuète, inefficace et très éloignée des préoccupations de nos concitoyens. Outre la période d’Ali Soilihi, les programmes que mettent en œuvre Volens nolens les gouvernements successifs pour réformer la fonction publique sont exogènes avec comme matrice les assertions du FMI et de sa sœur jumelle la Banque mondiale (BM). Ces programmes ne font qu’accentuer l’entropie, la corruption au sein de la fonction publique.
C’est d’abord le programme d’Ajustement et de Renforcement institutionnel de l’Administration mené par Caabi Elyachourout Mohamed en 1992. Dans le sillage des accords d’ajustement structurel, ce programme n’avait pas tant comme objectif l’instauration d’une fonction publique de qualité, mais bel et bien l’épurement de la dette des Comores envers les institutions financières internationales, en faisant flèche de tout bois pour l’équilibre de la balance des paiements et des finances publiques.
Ainsi, Caabi Elyachourout a conduit tambour battant ledit programme qui s’est traduit par le licenciement d’un grand nombre de fonctionnaires, à des ponctions sur les salaires, à la fermeture d’entreprises publiques, par une réduction drastique des investissements publics dans les secteurs socio-éducatifs. Accentuant ainsi la crise économique, les problèmes institutionnels dont nous ressentons les conséquences vingt ans après.
C’est ensuite les programmes découlant de l’intégration des Comores dans le processus PPTE et de l’élaboration du DSRP en 2003 et de la SCA2D en 2016.
La réunion du 12 décembre 2020 entre Djounaid Secrétaire d’État à la fonction publique et le FMI s’inscrit résolument dans ces programmes : il s’agit d’une part, de renforcer le projet d’Appui à la mise en place d’une administration publique adaptée (APP1). Lancé en 2005 en partenariat avec la BM et l’Union européenne. Ce Projet a été reconduit en 2006 (APP-2) créant la Haute autorité de la fonction publique, l’informatisation de la gestion du personnel par le développement et l’installation du nouveau système informatique de Gestion intégrée des Structures et des effectifs (GISE).
Il s’agit d’autre part de renforcer les Initiatives à résultats rapides (IRR) également lancées en 2016 par la BM dont l’objectif est la gestion des salaires dans la fonction publique, favoriser la productivité de celle-ci en réduisant les recrutements.
Pour aider les autorités comoriennes à mener à bien cette gestion, la BM finance dès 2017 un think tank qui porte pompeusement le nom de Centre d’analyse et de recherche sur les politiques publiques. Au risque d’être pris en flanc, ces programmes sont inefficaces et l’inanité n’est plus à démontrer. La Haute autorité de la fonction publique est un feu de paille. D’un côté Azali et son gouvernement continuent de recruter à tour de bras des fonctionnaires, de l’autre de créer des postes de hauts fonctionnaires au statut particulier.
Et dans ce sens, le salut de notre administration n’est pas dans les programmes que nous propose la BM, car celle-ci mobilise une démarche systémique et non holistique. Elle tend à envisager l’administration comme une structure autonome, qui subit peu ou prou l’influence de la conjoncture politique. Or la politique d’indigénisation que mène à Azali et ses lieutenants dont Djounaid est par ailleurs le produit, travaille la fonction publique et cette politique ne peut favoriser l’émergence d’une administration publique efficace.
Comment une telle administration peut-elle émerger dans un système politique où l’État ne cesse de violer la loi, où l’on devient fonctionnaire selon les critères du néo-patrimonialisme et non ses compétences ? Suffit-il d’injecter dans les rouages de la fonction publique les principes du New public management pour que tout fonctionner à merveille comme le prétend la BM ? Les faits montrent le contraire.
Zakaria Houssen
Docteur en sociologie